(Publié sur LinkedIn, puis retiré!)
Neuf mois après la fin de la 1ère promo) Simplon Développeur Web made in Vercors, à Dévelo’Pont, il est plus que temps de faire un bilan. Début Mai 2017, 20 apprenants débutent une formation de développeur web qui les mènera jusqu’au début du mois de Décembre. Ils ont été choisis principalement sur leur motivation parmi une soixantaine de postulants. La formation est dite pour “des personnes éloignés de l’emploi”, mais parlons plus simplement de parcours (plus ou moins) sinueux ou chanceux. Notre boulot à nous, les formateurs et l’équipe pédagogique et administrative est de les ramener le plus prêt possible de l’emploi. Nous sommes financés par la région, dans un dispositif appelé CARED collectif, ainsi nous serons évalué sur le taux de retour à l’emploi durable à la fin de la formation. Cette formation c’est 20 apprenants qui découvrent (pour la plupart viennent sans aucune connaissance en informatique) le métier du développement Web, qui apprennent, qui codent, qui en bavent pendant 6 mois. C’est 18 000 heures de cours prodiguées et 300 pages de documents pédagogiques produites par 2 formateurs. C’est aussi des belles rencontres. Aujourd’hui 13 de ces apprenants ont trouvés un emploi durable ou sont encore en formation, et c’est déjà une belle réussite. En y regardant de plus prêt, on pourrait valoriser ce taux de retour à l’emploi à 90%… oui 90%. Nous allons vous expliquer.
Afin de comprendre pourquoi 13 apprenants sur 20 peuvent valoir 90% de sorties positives, nous allons faire une rapide présentation des uns et des autres, de tous ces parcours rencontrés, de cette croisée des chemins. Un apprenant a abandonné la formation prématurément, au bout d’une semaine, il a disparu dans la nature, il pensait certainement qu’elle n’était pas fait pour lui. Difficile d’évaluer l’efficacité de cette formation sur le parcours d’un apprenant qui n’en a suivit qu’une semaine. Dans la bande des 19 restants, il y a 2 personnes en situation de handicaps. L’un d’eux est un autiste Asperger, un pari réussi pour nous de l’avoir emmener jusqu’à la fin de la formation. L’insertion professionnelle est un vrai challenge pour ces profils d’autant plus quand on vous demande des résultats 1 mois après la fin des cours. Un apprenant s’est avéré avoir des problèmes familiaux, sociaux et d’autres soucis personnels assez important, ou du moins assez gênant pour qu’il ne se consacre pas pleinement à son apprentissage. Nous l’avons accompagné de notre mieux jusqu’à la fin de la formation, nous lui avons apporté des compétences techniques, offert une parenthèse de convivialité, d’entraide, mais encore une fois, son insertion professionnelle est difficile. Pour évoquer un dernier cas particulier, parlons de ce jeune homme de plus de 50 ans, avec un beau vécu d’intermittent du spectacle derrière lui qui souhaitait apprendre un nouveau métier. Outre des pépins de santé assez importants pendant la formation, qui lui ont coûté, entre autre, de longues absences, il est difficile d’aller chercher un CDI (seul contrat accepté comme sortie positive par nos financeurs) quand on est un junior de plus de 50 ans. Il y avait dans notre recrutement 5 ou 6 profils délicats. Ce sont ces profils qui ont suscité le plus de discussions lors du recrutement, et pour la plupart, ce sont eux qui ont eu le plus de mal à se rapprocher de l’emploi. Nous leurs avons données un bagages techniques, des connaissances du métier et nous les avons accompagnés sur le long termes quand cela était possible. Nous voulions faire de la ré-insertion, nous n’avons pas regardé les critères d’employabilité dans nos recrutements, nous voulions tendre une main à tous et toutes, et aujourd’hui nous nous en mordons les doigts. Nous avons été naïf.
Aujourd’hui, 13 apprenants sur 20 sont en sortie positive. Nous, formateurs, nous pouvons témoigner que l’on peut former des développeurs web en 6 mois, en appliquant la pédagogie prônée par Simplon. De la solidarité, du travail, de la pratique, beaucoup de pratique et de l’autonomie. Ils sont venus comme ils étaient, certains n’avaient aucune connaissance de ce métier, d’autres étaient déjà de bons autodidactes. Techniquement, nous avons commencé doucement par du HTML et du CSS, puis nous les avons laissé tremper un petit bout de temps dans le PHP, rattrapé ceux qui se noyaient, mais cet apprentissage s’est fait presque en autonomie à travers de la pratique d’exercices et de projets. Un détour par les bases de données pour finir sur la notion d’objet et d’un framework complexe et complet qu’est Symfony. En 6 mois, nous avons formé des développeurs web, et certains sont déjà bons et deviendront très bons dans leur métier, pour les autres ça prendra un peu plus de temps. Nous avions envie de transmettre notre sens du travail bien fait, de la qualité du code, de la justesse de la documentation. Nous avons distillé l’idée de bonnes pratiques et de vie du code. On a travaillé “agile”, ils ont travaillé “agile”… on a même fait des Légo. Au delà de l’aspect technique, c’est 20 rencontres et plus de six mois de vie partagée. Nous n’étions pas à l’école, mais entre adultes, même si certain étaient de jeunes adultes. Nous partagions notre passion de ce métier. Plus que des formateurs, nous avons été des chefs de projets, entre conseils, remontages de bretelles et encouragements.
Nous pensons avoir été sérieux et impliqués. C’était une première pour nous aussi, et nous avons commis des erreurs. La formation a porté ses fruits pour une majorité des apprenants. Ils en restent que l’on accompagne toujours vers l’emploi 9 mois après la fin de la formation. Nous pourrions facilement faire un calcul qui démontre que financer 1 formateur et demi et une petite équipe pédagogique pendant 6 mois pour amener à l’emploi 13 personnes est plus rentable que de les garder dans des dispositifs d’accompagnement classiques sur la même période. D’autant plus que certain de ces dispositifs, nous ont cordialement souhaité “bien du courage” pour plusieurs de nos apprenants. Mais la formation a été évalué autrement. Nos amis financeurs de la région ont eu le couperet aiguisé et tranchant : 1 mois après la fin de la formation, 70% de nos apprenants devaient avoir une sortie positive (uniquement CDI et contrat de professionnalisation) pour valider l’efficacité de celle-ci et envisager sereinement la suivante. Impossible ou presque. 9 mois après, on y est. Mais vu dans le prisme d’un tableur : une ligne est une ligne, une personne en grande difficulté ou en situation de handicap “valent” la même chose qu’un autodidacte à moitié formé ou qu’un ingénieur en reconversion. Ce sont les règles et nous ne pouvons pas y réchapper. L’aventure a un goût amère, et c’est quelque part un constat d’échec, car si nous nous sommes investit dans cette première promo, ce constat réduit les chances d’existence de la deuxième à peau de chagrin. Bien plus tristement que cela, nous nous sommes lancés à corps perdu dans cette aventure, en voulant faire de la ré-insertion, accepter une personne ayant peu d’employabilité, c’est à chaque fois tirer une balle dans le pied des futures formation. La prochaine promo, si elle a encore une chance d’exister, devra se faire avec des nouveaux critères de recrutement, et c’est bien dommage.
Merci à tous ceux qui nous ont soutenu de près ou de loin. Les formateurs.